La Préhistoire
La tente au XIXe siècle

Les conquêtes napoléoniennes
Le XIXe siècle est secoué par de nombreux évènements en France : la fin de la monarchie, le Consulat et ses guerres européennes, Napoléon et sa conquête du monde. Une série de guerres ont marqué cette période au cours de laquelle les tentes ont joué un rôle essentiel pour les soldats. Ils ne partaient plus en guerre contre les pays voisins mais s’aventuraient de plus en plus loin pour des périodes de plus en plus longues sous des latitudes aux climats extrêmes.
Cette époque a mené à une prise de conscience de l’importance du matériel confié au soldat et a conduit à repenser la logistique et ses contraintes de poids, de robustesse et d’encombrement.
Entre 1804 et 1814, Napoléon et ses troupes ont passé au total 3 ans et 3 mois en campagne. Une période où les hommes n’ont eu que peu l’occasion de rentrer sur la terre de France. Environ 2 200 000 conscrits sont partis sous l’Empire.
À cette période apparaît le mot « bivouac » ou plutôt « bivac ». De l’allemand biwacht (« garde ») dérivé de bewachen (« garder, monter la garde »). Le mot arrive en France par l’intermédiaire des mercenaires suisses et est adopté par les autres langues européennes lors des guerres napoléoniennes.
L’armée napoléonienne n’était pas appelée la Grande Armée à tort. Elle était constituée de quatre armées : l’infanterie (ceux qui se battent à pied et utilisent des fusils), la cavalerie (ceux qui combattent à cheval), l’artillerie (les canons), le génie (les ingénieurs militaires), auxquelles on pouvait ajouter le service de santé (chirurgiens et médecins). Sans oublier qu’aux troupes françaises se joignirent les troupes des départements annexés par l’Empire, les armées des états vassaux, des troupes des colonies… On en perdrait presque le compte !
On pourrait imaginer, à tort, le bivouac de Napoléon comme un ensemble de tentes organisé, s’inscrivant dans la lignée des améliorations techniques de la structure des abris nomades militaires. Si par malheur aucune structure solide n’existait aux alentours pour accueillir les soldats, ou si les officiers occupaient déjà toutes les places disponibles, les soldats se reposaient dans des camps de fortune, montés à l’improviste. Ils se retrouvaient ainsi à la merci des intempéries. Beaucoup dormaient à la belle étoile, sous un abri fait de branchages.
Cette organisation peu attentive aux besoins des simples soldats allait à l’encontre des instructions de 1792 et de 1802 stipulant que les troupes devaient impérativement être équipées de tentes.
Impossible de tenir cette organisation du bivouac en hiver. Lors de la grande avancée en Russie, de nombreux soldats ne passaient pas la nuit. La veille de la bataille de Waterloo, les soldats n’eurent d’autre choix que de dormir dans la boue.
Ces conditions de vie rendaient les soldats davantage vulnérables et diminuaient leurs chances de survie. Le contraste avec l’empereur, logé dans une tente confortable était impressionnant. On peut s’interroger sur l’impact de la condition des soldats sur leur motivation et leurs capacités de récupération surtout à l’aube d’un combat… Cela contraste avec le soin apporté aux tenus des soldats…

La tente de l'empereur napoléon
Lors des campagnes militaires, à l’instar de ses officiers, Napoléon cherchait en priorité à loger chez l’habitant. Cela lui permettait de bénéficier d’un certain confort, à l’abri de la pluie et du froid. Quand cela n’était pas possible, l’empereur devait se contenter de dormir sous sa tente, qu’il emmenait toujours avec lui.
Elle était pourvue de deux espaces. Le premier, disposant de quelques meubles, servait d’antichambre où l’empereur recevait ses généraux. Et le second, plus petit, lui offrait un espace pour dormir, pourvu d’un lit en fer forgé et entouré de deux gros rideaux de soie verte. Cette tente qui devait sembler bien rudimentaire aux yeux de Napoléon, incarnait fort probablement le paroxysme du luxe pour ses soldats, parfois forcés de dormir sous un assemblage de branches dans le froid voire dans la boue.

Tout le mobilier était pliable et représentait une innovation technologique remarquable : lit, table, fauteuil, écritoire, chaises d’affaires… Tout pouvait être rangé dans des étuis individuels et des malles spécifiquement créées pour leur transport. Une trentaine d’artisans, parmi les plus grands ébénistes de France, participèrent à l’élaboration du mobilier de campagne de Napoléon, et furent en charge de leur remise en état en cas de dégradations. Autant dire que la qualité ne faisait pas défaut.
La tente de Napoléon a offert ainsi un peu de confort à l’empereur au cours de ses campagnes. Mais qu’en est-il de la survie de ses soldats qui, en plus de devoir passer à travers les balles et les lames ennemies, devaient affronter les difficiles conditions de vie en campagne ?
Le service de santé militaire : les hôpitaux ambulants
Les guerres du XIXe siècle furent grandement meurtrières. L’amélioration de la technologie des armes a démontré à quel point les combats pouvaient être dévastateurs. Le nombre de blessés et de morts sous Napoléon au cours des guerres de conquête fut considérable. Usage massif de l’artillerie, épidémies notamment de typhus, conditions de vie rudimentaire : tous ces éléments entraînèrent la mort de milliers de soldats.
Sous Napoléon, les rythmes de marche des hommes étaient très soutenus. Le but étant d’arriver le plus rapidement possible sur place afin de surprendre l’ennemi. Nombreux étaient les soldats qui mouraient d’épuisement.
En outre, l’empereur considérait que les officiers de santé présents sur le champ de bataille gênaient les troupes. Ils étaient donc priés d’attendre la fin des combats pour venir en aide aux blessés, ce qui allongeait considérablement les délais d’intervention. En dépit de cette opinion, l’empereur disposait de sa propre ambulance, dirigée par un chirurgien de haute renommée, et la Garde impériale était équipée d’ambulances mobiles, de matériel médical, de chirurgiens et d’infirmiers.

Le service de santé militaire est créé sous Louis XIV le 17 janvier 1708. Au XIXe siècle, bien qu’il fît de son mieux, ce système a présenté de nombreux problèmes d’organisation : manque cruel d’effectifs, un nombre d’hôpitaux sédentaires et ambulants bien trop insuffisant, ou encore la dépendance du service vis-à-vis des officiers de santé en charge mais plus ou moins étrangers à la médecine.
Ce service a mis en place deux types de structures temporaires et mobiles pour venir en aide aux blessés de guerre.
• Les hôpitaux éphémères ou hôpitaux ambulants étaient bien souvent installés dans des granges, ou dans des bâtiments alentours, au sein desquels des chirurgiens et du personnel médical y pratiquaient des interventions d’urgence (sutures, amputations). Et lorsqu’aucune structure n’était disponible, on construisait des abris de fortune sans réel matériel adéquat, et on érigeait des tentes pour héberger les blessés. Nombres de ces derniers succombaient à leurs blessures par manque d’hygiène. Lors de la guerre de Crimée (1854-1856), les hôpitaux furent installés sous la tente. Des ambulances — des chariots tirés par des chevaux — furent conçues pour transporter les blessés du front vers l’hôpital ambulant. Elles jouèrent un rôle crucial dans l’évacuation d’urgence des blessés.
• Les hôpitaux de bois, ou baraques en bois étaient des structures temporaires de soin qui se distinguaient des hôpitaux ambulants par leur localisation et par leur meilleure résistance. Ils étaient situés dans la zone de l’arrière et étaient construits comme leur nom l’indique, en bois. Ils furent introduits au cours de la campagne d’Égypte au XVIIIe siècle et utilisés lors des guerres napoléoniennes. Couverts de chaume et dotés de fenêtres, ils offraient aux blessés une meilleure isolation, une meilleure aération, et donc de meilleures chances de survie.
Les tentes militaires, de santé ou des soldats, ont été l’objet d’une attention particulière en 1867, lors de l’exposition universelle de Paris.
L'exposition universelle de Paris en 1867
En 1867, l’exposition universelle de Paris a mis en avant des tentes provenant d’horizons différents : Sibérie, Russie, France, Maroc, Algérie… Elle était la septième exposition universelle et a eu lieu du 1er avril au 3 novembre 1867, sur le Champ-de-Mars. Elle représentait 41 pays et reçut au total 15 millions de visiteurs. Voulue par Napoléon III, elle servit à démontrer la puissance du Second Empire aux yeux des autres nations.

« Partout où l’homme arrive ou se repose, la nature le reconnaît pour roi. ». C’est ce qu’affirme François Ducuing dans son livre L’Exposition universelle de 1867 illustrée, un ouvrage retraçant les évolutions technologiques des différents pays exposants, dans un chapitre s’intéressant aux tentes. Planter sa tente est vu comme un acte de conquête : « Sous la tente, l’homme vit double : il est obligé de s’emparer de tout ce qui l’entoure ; et dans cette prise de possession, il éprouve comme les âpres jouissances de la conquête ».
Plusieurs types de tentes ont été exposés. On y retrouvait notamment la tente khaïma d’un chef de tribu marocaine conique, en poils de chameau, dont l’auteur reconnaît le luxe des tissus utilisés. Il la met en parallèle avec la tente du gouverneur général de l’Algérie, exposée par le ministère de la guerre. Cette dernière, faite en chanvre plutôt qu’en poils, fut conçue pour un usage militaire, tandis que la tente marocaine fut conçue pour y vivre. Les deux tentes présentaient une structure commune : elles étaient soutenues par un mât (deux pour la tente algérienne) et assurées par un ensemble de cordage.
En affirmant que « tout homme qui vit sous la tente est naturellement guerrier », l’auteur replace la tente dans son contexte militaire, nous ramenant ainsi à notre sujet principal : les tentes militaires. On retrouvait ainsi différentes habitations mobiles militaires françaises sur le Champ-de-Mars comme la tente Conseil, la tente de marche (destinée aux sous-officiers) et la tente-sac-abri (servant aux simples soldats). L’auteur s’attarde sur ces deux dernières innovations qu’il considère comme des preuves de la supériorité du campement français. En effet, elles sont faciles à installer, et surtout légères : 13kg pour la tente de marche, et à peine 1kg pour la tente-sac-abri dont le poids de l’équipement se partage entre les soldats. Cette dernière répondant parfaitement à la problématique de poids et de mobilité.
Cette présentation bien que peu objective, est un document précieux de description des tentes au XIXe siècle et nous donne une vision multiculturelle de la tente à cette époque.