La Préhistoire

La tente au Moyen-Âge

De nombreuses occasions de vivre sous la tente

Au Moyen-Âge, les occasions de vivre sous la tente ne manquaient pas : campagnes militaires, voyages diplomatiques, croisades, ou encore tournois de chevalerie … elles ne restaient pas à prendre la poussière bien longtemps. Dans le monde médiéval, les tentes étaient essentielles à la vie quotidienne, et représentaient bien plus qu’un simple abri.

Le pavillon était le modèle de tente le plus répandu. De forme conique, rond ou carré, coloré et richement décoré, il était abondamment représenté sur les tapisseries, les peintures et les enluminures d’époque, témoignant ainsi de son importance.

Le matériau principal utilisé pour la production des tentes et des pavillons était le canevas. Ce tissu léger était relativement peu coûteux. Il était, en revanche, nécessaire d’en acheter une grande quantité afin de créer plusieurs épaisseurs pour permettre une meilleure isolation. Les tentes et les pavillons étaient généralement peints et richement décorés avec des franges de cuir et des pommeaux dorés, souvent ornés des armes royales ou de celles des princes et chevaliers.

Posséder une tente ou un pavillon engendrait des coûts importants puisqu’il fallait non seulement avoir de quoi payer le tissu et la fabrication, mais aussi les frais de maintenance. En effet, ils étaient exposés à des conditions difficiles, notamment durant les guerres. Ce qui explique qu’aujourd’hui il est rare de pouvoir trouvé des traces de ces abris militaires d’époque. Bien souvent on en trouve dans les prises de guerres conservées par le vainqueur lorsque celui-ci ne les réutilisait pas pour son propre compte.
La majorité des conflits armés de l’époque n’atteignirent bien évidemment pas l’ampleur des guerres du XVIIe et XVIIIe siècles et encore moins celles du XIXe siècle. Il s’agissait de batailles sur des sites choisis à l’avance par les belligérants. Très souvent, des opérations plutôt courtes comme les escarmouches ou les embuscades engendraient le ralentissement des troupes et impliquaient une progression des armées extrêmement lentes. Il fallait que la tente du soldat soit aisément transportable.

Certaines guerres ont néanmoins marqué ces siècles moyenâgeux et laissé une marque sanglante dans l’Histoire. Tout d’abord, les guerres civiles ont permis aux nobles de régler les conflits sur des terrains prédéterminés, en dehors des cités, au milieu des champs et plaines (à l’origine du terme « champ de bataille ») afin de (re)établir les frontières, et d’affirmer leur supériorité sur l’ennemi.

La guerre de Cent Ans a, elle, opposé les royaumes de France aux anglais, du siège de Puymirol le 17 juillet 1337 à la bataille de Castillon le 17 juillet 1453. Elle a été marquée par la violence des combats qui a engendré d’importantes batailles rangées.

Enfin, les huit croisades successives de 1096 à 1270, ont nécessité de nombreuses tentes pour les dizaines de milliers de soldats qui ont participé à ces grandes expéditions militaires, qu’elles soient passées par la terre ou par la mer.

Les tentes fournissaient aux soldats un confort rudimentaire, et ont commencé à jouer un rôle diplomatique crucial. Se plonger dans l’Histoire des tentes militaires au Moyen-Âge, c’est découvrir un monde où la guerre fait partie du quotidien. Un monde où la tente représente bien plus qu’un abri fait de simples toiles tendues.

Le roi guerrier et ses tentes personnelles

Au Moyen-Âge, il était de coutume que le seigneur accompagne ses troupes en campagnes militaires. En effet, son statut relevait aussi d’une responsabilité guerrière : il devait défendre son royaume et assurer la sécurité de son peuple. Dans l’Antiquité, ce concept existait déjà : Léonidas Ier, roi des Spartes, mourut sur le champ de bataille aux côtés de ses hommes lors de la bataille des Thermopyles en 480 avant J.-C.
Au Moyen-Âge, domaines politiques et militaires étaient toujours mêlés.

Lorsque les seigneurs partaient en campagne, ils jouissaient de leur propre tente. À vrai dire, ils jouissaient de leurs propres tentes. Ils en emmenaient un grand nombre, ce qui participait à la fois à une démonstration de force militaire et de prestige, au-dela du relatif confort. C’était un moyen d’asseoir leur puissance et d’affirmer haut et fort la notoriété de leur blason.

Étaient alors chargés dans le convoi :
– le pavillon royal : la plus grande et la plus luxueuse tente du campement, souvent décorée de tapisseries, de drapeaux et d’autres ornements ;
– la tente de chambre ;
– la tente de conseil : elle permettait au roi de se réunir avec ses conseillers pour discuter des affaires militaires et politiques ;
– la tente de banquet : le roi y recevait ses invités pour des banquets et des fêtes ;
– la tente garde-robe…
Bien souvent faites en cuir plutôt qu’en canevas, les habitations royales étaient plus résistantes aux intempéries que celles des soldats.

Cela nécessitait une organisation bien particulière et méticuleuse.

Édouard Plantagenêt, par exemple, en se lançant à la conquête du Pays de Galles, mit en place toute une organisation pour gérer ses appartements personnels mobiles. Il disposait en effet de tant de tentes qu’un pavillonnier en chef était responsable de la fabrication, du transport et de l’entretien des tentes et pavillons royaux uniquement. Il dirigeait toute une équipe qui l’assistait dans ses tâches. Ces missions étaient de la plus haute importance puisqu’il s’agissait de fournir au roi un endroit confortable pour la nuit. Il y avait en plus, une seconde équipe chargée d’assurer la bonne logistique des autres tentes du camp.

Au fil des années, la christianisation de la société a entraîné l’ajout de la responsabilité religieuse à celles politiques et militaires du seigneur. Considérés comme les représentants de Dieu sur Terre, les seigneurs étaient les garants de la paix et de la justice. La notion de guerre juste théorisée par Saint-Thomas d’Aquin en 1266 fit son retour sur le devant de la scène à cette époque : « Pour qu’une guerre soit juste, elle doit être déclarée par une autorité publique compétente, la cause doit en être juste, et l’intention de celui qui la mène doit être droite ». Ce concept justifia les nombreuses croisades qui débutèrent en 1095 et l’apparition de tentes dédiées au culte.

Le camp militaire

Les tentes militaires utilisées à cette époque avaient des dimensions impressionnantes. Certains registres témoignent de tentes d’un diamètre de 6 à 9 mètres, qui faisaient partie des tentes les plus petites. Bien évidemment, plusieurs soldats dormaient sous la même tente. Les officiers, eux, logeaient dans des tentes un peu plus spacieuses. Les registres attestent de tentes immenses allant jusqu’à 42 mètres de long !

Elles étaient transportées sur des chariots ou à dos d’animal. Les camps, bien souvent entourés de fortifications temporaires (palissades, fossés) afin d’assurer la sécurité de l’armée, servaient de base logistique et de centre de commandement et donnaient à voir la puissance des armées.

Elles ont été particulièrement utiles lors de la guerre de Cent Ans. En effet, bien que cette guerre est été marquée par de nombreuses batailles, comme Azincourt, le 25 octobre 1415 qui vit la défaite catastrophique des Français, ou encore Patay, le 18 juin 1429, où le capitaine Jean Dagneau fit prisonnier le célèbre John Talbot lors d’une victoire écrasante considérée comme la grande revanche Française, cette guerre s’est surtout caractérisée par de nombreux sièges de cité (près d’une dizaine par an).

L’Église est présente lors des batailles. Une tente est parfois dédiée au culte, on parle alors de tente chapelle. Le mot chapelle vient du latin cappa, en référence au manteau de Saint Martin, un soldat de l’armée romaine, qui croisant un pauvre, le découpa pour le partager avec lui. En offrant la moitié de son manteau, il a permis à cet homme de se mettre à l’abri.

Les prêtres assuraient les offices mais aussi les soins lorsque cela était encore possible. Ils donnaient également les derniers sacrements aux soldats mourant sur le champ de bataille.

Afin de pouvoir accueillir des ambassadeurs étrangers dans les camps, une tente spéciale leur était dédiée. Ses dimensions imposantes lui permettaient d’accueillir jusqu’à 50 personnes. Faite de feutre de laine, son intérieur était richement meublé de tapis, de coussins et de tentures. Elle permettait de recevoir les dignitaires étrangers, mais servait aussi de lieu de cérémonies et de négociation de traités.

Dans le cadre de la Trêve de Dieu instaurée par l’Église catholique, il était interdit de se battre le dimanche, les soldats attendaient sagement dans leurs tentes que le lundi arrive. Puis, les combats reprenaient de plus bel.

Cette description du camp militaire médiéval nous amène à notre prochain sujet, celui des croisades qui ont fait parcourir à des dizaines de milliers d’hommes des milliers de kilomètres, équipés de leurs tentes militaires.

Les croisades

Dans le cadre de l’accroissement de l’influence de l’Église en France et de la théorisation de la guerre juste par Saint Thomas d’Aquin, dont nous parlions précédemment, de grandes expéditions militaires ont été organisées en vue de libérer les lieux saints des arabes-musulmans. Ces croisades, au nombre de huit, ont eu lieu entre 1095 et 1291 et ont nécessité de pouvoir loger un grand nombre d’hommes et de chevaux tout au long des trajets.

Quand cela était possible, l’armée réquisitionnait des bâtiments déjà existants et s’y installait le temps d’une nuit ou deux. Seulement parfois, l’absence d’habitations ou d’infrastructures exigeait de devoir monter des campements et de sécuriser la troupe qui était alors accompagnée de nombreux pèlerins.

Les tentes et les pavillons étaient emmenés en croisade et constituaient l’essentiel du campement militaire, permettant de fournir un abri temporaire aux hommes et au matériel.

Des documents témoignant de la préparation à la croisade de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, nous donnent quelques informations sur ces expéditions religieuses. Philippe le Bon, touché par la chute de Constantinople, se promet de lancer une croisade. Promesse qu’il n’a pas pu tenir puisqu’il meurt sans avoir lancé d’expédition religieuse.

Les documents mentionnent la commande de vastes abris militaires en toile en grandes quantités, fabriqués avec du canevas. Une des tentes commandées présentait des dimensions impressionnantes : 18 pieds de longueur, 18 de largeur, et 22 de haut. Sachant qu’un pied mesure 0,305 mètre, cette tente représentait donc une surface d’un peu plus de 30 m2 et d’une hauteur de 6,71 mètres.

Lors de la dernière croisade, le roi de France, Saint Louis, meurt le 25 août 1270 à Tunis, sous une tente d’azur recouverte de fleurs de lys.

Ces expéditions, motivées par des enjeux religieux et politiques, ont été des moments charnières où l’organisation logistique revêtait une importance capitale. À travers ces fragments d’Histoire, il nous est possible de saisir l’importance cruciale des tentes militaires à l’époque médiévale.

Place aux temps modernes, période au cours de laquelle le luxe et la richesse des tentes royales en campagne miliaire prennent des dimensions toujours plus impressionnantes…