La Préhistoire
La tente à l’époque contemporaine : le XXe siècle

La Première Guerre mondiale
La Première Guerre mondiale a été dévastatrice : 9,7 millions de pertes militaires. Les blessures par explosion et éclats d’obus ont représenté à elles seules près de 2/3 des blessés, sans compter les blessures par balle, par arme blanche ou par gaz moutarde.
Le système de santé militaire reprenait le fonctionnement de celui du XIXe siècle : les blessés étaient transportés du front jusqu’aux hôpitaux de campagnes aménagés dans des locaux réquisitionnés ou sous des tentes en cas d’absence de structure adaptée aux alentours. Nous pouvons relever l’utilisation de tentes tortoises : des chariots surmontés d’une toile de tente servant à transporter les blessés jusqu’aux hôpitaux éphémères. En cas d’imprévus, la toile servant de bâche au fourgon pouvait être montée en très peu de temps à la manière d’une tente. Bien que très pratique, il n’en demeure pas moins que la place disponible sous cette structure était limitée et que le matériel médical était sommaire comparé à la gravité des blessures des soldats.
La Croix-Rouge a grandement participé au secours des blessés en mettant en place près de 1 500 hôpitaux auxiliaires dans la zone de l’arrière. Ces établissements accueillirent les blessés, et le personnel formé était en mesure de leur prodiguer les soins de base. Ils furent d’une grande aide en cette période où les hôpitaux étaient submergés par le nombre toujours plus élevé de nouveaux arrivants.
Sur le front, les soldats utilisaient le modèle de la tente individuelle de 1897. Cette dernière, constituée d’une toile carrée en coton imperméabilisé et prévue pour abriter 6 hommes, se combine avec 4 toiles boutonnées ensemble pour former la toiture et 2 toiles qui font office de porte. Le montage en tunnel était alors de mise, formant des chaînes de tentes dans les camps. En 1914, une seule modification y est apportée : l’ajout de deux cordons offrant aux soldats la possibilité de porter la toile en pèlerine. Ces tentes leur permettaient de s’abriter et de se reposer. A partir de 1915, la guerre de mouvement se transforme en guerre de position avec la création de tranchées. À compter de ce tournant dans l’histoire des combats, les tentes furent utilisées en retrait du front.
L'usage de la tente militaire par les civils
Après quatre années de violence et d’horreurs, la guerre laisse place à la reconstruction. Les années suivantes sont consacrées à la restauration des économies dévastées et à panser les blessures des sociétés meurtries.
En 1936, à la suite d’une importante grève sociale, le peuple français obtient le droit de prendre deux semaines de congés payés par an. Cette décision marque un tournant majeur dans l’histoire sociale française. Avant celle-ci, seules les familles aisées pouvaient se permettre de partir en vacances. Dorénavant l’ensemble de la population pouvait partir loin de leur lieu de vie et de travail. Dès lors, ils s’en allèrent camper dans des tentes… militaires. Le matériel militaire était en effet, en vogue à cette période pour leur légèreté, leur praticité, et la disponibilité des stocks. Après la Première Guerre mondiale, la France disposait d’une importante réserve de tentes militaires qu’il fallait écouler.


Les industriels innovent aussi pour proposer des tentes destinées à un usage civil. C’est le cas de la tente de toit inventée en 1958 en Italie.
Le scoutisme, une association de jeunes gens débrouillards, est né en 1907 au Royaume-Uni et s’est implanté en France en 1911. Les scouts utilisaient également des tentes militaires pour leur robustesse et leur résistance aux intempéries, ce qui correspondait à leurs activités en pleine nature.
Certains scouts furent par la suite recrutés dans la résistance française pour leurs compétences acquises au cours de leur formation. Ils ont ainsi mené des actions de sabotage pour aider les Alliés et libérer la France.

La Seconde Guerre mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, la tente individuelle des soldats utilisée était similaire au modèle de 1897 qui servit pendant la Première Guerre mondiale. Les seules modifications ont été la suppression des cordons de serrage pour pouvoir transformer la toile de tente en pèlerine et l’ajout de rubans de toile pour fixer des branches de camouflages. On parle alors de la tente individuelle modèle 1935. Pendant le conflit, les tentes continuèrent de répondre aux besoins des soldats : les abriter et les protéger sur le terrain. Mais suite à la défaite rapide de la France due au succès de la Blitzkrieg allemande, les tentes françaises tombèrent en désuétude.
La tente et plus largement le camp militaire sont pourvus d’une importante symbolique de présence militaire. Et c’est de cette symbolique que les Alliés se sont jouée pour piéger les Allemands. En faisant croire à une présence massive de forces armées sur la côte anglaise dans le comté du Kent, face au Nord-Pas-De-Calais où une imposante armée de l’Axe attendait les Alliés, la surprise fut totale lors du débarquement sur les plages de Normandie.
Ce fameux camp militaire, n’était en réalité que fictif. 1 100 soldats ont été recrutés pour la création de cette armée fantôme : étudiants en école d’art, employés dans des agences de publicité… Ils étaient chargés de simuler l’activité militaire de 30 000 soldats.
Chars gonflables, décors en carton, rien de tout cela n’était vrai. Des milliers de tentes furent déployées d’où de la fumée s’échappait de temps en temps. De fausses infrastructures (routes, ponts, terrains d’aviation, bâtiments, zones d’embarquement) ont été créées pour parfaire le leurre et des traces de véhicules furent même imprimées dans le sol. Plus de 200 bateaux étaient amarrés au port et un faux terminal pétrolier fut installé. D’énormes haut-parleurs diffusaient le bruit d’une activité au sein du camp : bottes des soldats, chars en route… Il fallut pour cela préenregistrer des milliers de télégrammes et l’opération nécessita plus de mille personnes (hommes, femmes, retraités et anciens militaires) pour assurer le bon fonctionnement de ce camp factice. L’illusion était parfaite. Pour couronner le tout, le prestigieux général américain George S. Patton, fut placé à la tête du FUSAG (First United States Army Group) : le Premier Groupe d’Armée des États-Unis.
Fortitude Sud. C’est le nom que porte cette opération militaire ingénieuse qui participa grandement à la victoire à venir.
L'évolution de la tente militaire après 1945
Après les deux guerres mondiales, d’autres conflits se sont enchaînés (guerre d’Indochine, guerre d’Algérie, guerre du Golfe,…). Les tentes individuelles ont alors connu un renouveau et une évolution significative à partir de la deuxième moitié du XXe siècle. C’est notamment à partir de cette période que furent introduites les sardines en métal, que le nylon remplaça le coton des toiles de tente et que les mâts furent conçus en aluminium et non plus en bois.
Les tentes sont bien souvent inspirées du matériel d’autres nations, alliées comme ennemies. En effet, la tente individuelle modèle 1951 fut largement inspirée de la tente allemande Zeltbahn de 1931. Malgré les nombreuses possibilités de combinaisons qu’offrait cette tente, ce modèle de tente souleva des vagues de mécontentements parmi les soldats. Son poids relativement lourd (environ 3,5 kg ajoutés au poids du reste du matériel), son système d’aération peu efficace et sa faible résistance aux intempéries participèrent à alimenter les critiques des militaires.

Face à l’insatisfaction générale concernant la tente de 1951, une nouvelle génération de tentes individuelles vit le jour en 1956. Cette fois-ci cette tente fut inspirée du modèle US à 2 absides. Fabriquée en nylon imperméable (une innovation majeure dans le choix des matériaux pour la toile) et disposant de deux ouvertures pour assurer une aération, cette dernière offrait plus d’espace, et était plus facile à monter. Bien que cette tente ait connu un certain succès parmi les troupes françaises, il n’en demeure pas moins qu’elle fut le sujet de critiques vis-à-vis de son poids, jugé encore trop lourd, et de son encombrement. 2,5 kg, ce n’est pas anodin quand on doit l’ajouter à tout le matériel que l’on porte déjà sur le dos !
La tente biplace modèle F1, créée dans les années 80-90, remplaça progressivement les modèles précédents. Cette tente modulaire pouvait être utilisée séparément pour un abri individuel. Fabriquée en toile de nylon, dotée d’un mât en aluminium, d’un sol intégré et d’un double toit en plastique, elle offrait une grande protection. Un système d’ouverture de chaque côté assuré par des fermetures éclair assurait une meilleure aération. Elle représente une avancée significative dans le confort des soldats sur le terrain.
La tente individuelle hybride est un modèle un peu particulier. Ce prototype ne fut jamais adopté par l’armée française à cause de son coût élevé de production, de son poids (structure en métal) et de son étanchéité qui laissait à désirer. Néanmoins, cette tentative d’amélioration démontre les efforts de l’armée française dans les innovations technologiques de la tente.
Cette seconde moitié du XXe siècle démontre une réelle volonté d’amélioration des conditions de vie des soldats sur le terrain, parfois extrêmes puisque les hommes étaient susceptibles d’être déployés dans des pays éloignés au climat bien différent de celui de la France.