La Préhistoire
De la vie nomade à la sédentarisation : la persistance de la tente

La tente dans la vie quotidienne des sédentaires
Que ce soit en Afrique du Nord ou en Orient, les populations, au fil des siècles, ont peu à peu troqué la vie nomade pour un mode de vie sédentaire, volontairement ou sous la contrainte des gouvernements. La tente est encore utilisée pour des déplacements saisonniers ou des activités pastorales. Le reste de la population continue à utiliser autrement cet objet symbolique. Elle est un lien puissant avec leur passé.
Une expression turkmène incarne parfaitement ce lien qui relie les populations bien que sédentarisées avec la vie nomade au désert : « Tu viens de derrière la dune ». Cette expression signifie que la personne n’a aucune expérience dans un domaine, quel qu’il soit, puisqu’elle n’est pas allée plus loin que derrière la dune la plus proche.
Pour beaucoup, la sédentarisation est une étape difficilement vécue : les maisons au début consistent bien souvent en une tente entre des murs. Puis lorsque les toiles ont été remplacées par des murs et un toit, les habitants tendent à laisser leurs portes et fenêtres constamment ouvertes afin de garder un contact avec l’extérieur. Dans le désert, on pouvait parler avec son voisin sans avoir à quitter sa tente. Une ambiance bien différente de celle qui règne en ville.
Si les maisons ont remplacé la tente, cette dernière fait toujours bien souvent partie de la maison. Chez les Maures par exemple, la tente sert d’abri d’agrément et peut être installée dans la cour. Elle permet d’apporter un peu de fraîcheur lors de chaleurs trop intenses. On peut aussi la retrouver sur le toit de maison, où elle permet à ses hôtes de profiter des courants aériens.
Le camping moderne : voilà une occasion idéale de ressortir sa tente. Depuis le début des années 1990 environ, beaucoup de ces mêmes citadins maures de Nouakchott (capitale de la Mauritanie) encouragés par le président de la République de Mauritanie Mucâwiya uld Sîd Ahmed Taya, partent chaque été, au moment de la saison des pluies (août-septembre). Mais la tente nomade est également vue comme une opportunité touristique : la tente daboyta comme la tente khaïma appartiennent désormais aux pratiques à la mode. Certains campements touristiques proposent aujourd’hui des nuitées au sein d’habitations nomades traditionnelles.
Enfin, la tente demeure un élément clé dans les cérémonies maritales. Chez les Aït Kebbach par exemple, elle est le lieu central des rituels de la cérémonie. C’est le cas pour la majorité de ces peuples anciennement nomades.
Cette relation profonde avec la tente témoigne de l’attachement des peuples nomades à leur passé.
Une démonstration d'influence et de pouvoir
Chez certaines populations, la tente s’est faite de moins en moins présente dans le quotidien et est devenue un symbole de richesse et de luxe, à cause du coût de production. C’est le cas des populations en Libye, au Qatar, aux Émirats Arabes Unis ou encore en Jordanie. Dans ces contrées où le nomadisme est devenu une pratique rare, la tente en laine est devenue un bien précieux, réservé aux familles fortunées. Elles sont alors installées dans la cour des maisons afin d’y recevoir les invités à l’occasion de réception ou de fêtes.


Chez les Maures, par exemple, ce sont les familles les plus influentes, connues sous le nom de batârîn, qui en possèdent. Elles se distinguent des classes moyennes émergentes en investissant dans des tentes somptueuses aux dimensions impressionnantes, atteignant jusqu’à 100 m2 et à un coût élevé, jusqu’à 3 000€. La tente est alors au cœur de leur démonstration d’opulence. Elle est souvent associée aux hauts postes occupés par les chefs de famille (ministères, administrations, armées, grandes entreprises familiales maures).
Cette tendance a commencé dans les années 1980 et s’est généralisée parmi les familles aisées dans les années 1990.
Au-delà de leur fonction ostentatoire, ces tentes de prestige jouent un rôle crucial dans les domaines politique et diplomatique. Elles sont le théâtre des négociations.
L'importance de la tente dans les domaines politiques et diplomatiques
Dans les réunions politiques de certains pays d’Afrique du Nord et d’Orient, la tente est indispensable.
En Mauritanie, par exemple lors des échéances électorales nationales, ainsi qu’à l’occasion des visites du président de la République mauritanien, les tentes sont de sortie dans les provinces du pays. Les communes qui reçoivent la visite du Président déploient un faste démesuré pour s’attirer les grâces du raïs. On peut voir d’immenses tentes de cérémonie aux décors d’une sophistication et d’un luxe sans pareil.

Par ailleurs, Mouammar Kadhafi a marqué la France et les esprits quand, en décembre 2007, le président libyen a planté sa tente bédouine dans le jardin de l’Élysée. Une manière pour lui de respecter les traditions du désert. Un long tapis rouge avait été déroulé depuis le perron de Marigny jusqu’à la tente. Bien qu’il ne dormait pas dans la tente, et séjournait dans une suite de l’hôtel, cet acte a permis d’affirmer son identité culturelle et sa puissance. En Libye, la tente bédouine est un symbole de l’autorité du dirigeant. Ainsi, en l’installant dans des lieux prestigieux comme l’hôtel Marigny, il a souligné sa présence et son influence sur la scène internationale.Cette pratique ne s’est pas limitée qu’à la France.
Le 1er novembre 2008, Kadhafi avait accueilli Vladimir Poutine sous sa tente déployée en plein coeur du Kremlin. Ou encore le 23 octobre 2010, il avait accueilli Hugo Chávez dans le but de renforcer les liens économiques entre la Libye et le Venezuela.
La tente est devenue un élément récurrent lors des rencontres du dirigeant libyen avec d’autres chefs d’état. Ce symbole était indissociable du pouvoir politique de Kadhafi, marquant ses relations diplomatiques et affirmant son identité.
La tente nomade devient un moyen pour imposer sa puissance aux autres nations, tout en rappelant à chacun l’importance de ses racines et de son identité culturelle.